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(revenant.)

A moi, par un valet, cet affront Èclatant ! L’aurait-on pu prÈvoir l’action de ce traÓtre, Qui vient insolemment de maltraiter son maÓtre ?

– Mascarille –

(‡ la fenÍtre de Trufaldin.)

Peut-on vous demander comment va votre dos ?

– LÈlie –

Quoi ! tu m’oses encor tenir un tel propos ?

– Mascarille –

Voil‡, voil‡ que c’est de ne pas voir Jeannette, Et d’avoir en tout temps une langue indiscrËte. Mais, pour cette fois-ci, je n’ai point de courroux : Je cesse d’Èclater, de pester contre vous, Quoique de l’action l’imprudence soit haute, Ma main sur votre Èchine a lavÈ votre faute.

– LÈlie –

Ah ! je me vengerai de ce trait dÈloyal !

– Mascarille –

Vous vous Ítes causÈ vous-mÍme tout le mal.

– LÈlie –

Moi ?

– Mascarille –

Si vous n’Ètiez pas une cervelle folle, Quand vous avez parlÈ naguËre ‡ votre idole, Vous auriez aperÁu Jeannette sur vos pas, Dont l’oreille subtile a dÈcouvert le cas.

– LÈlie –

On aurait pu surprendre un mot dit ‡ CÈlie ?

– Mascarille –

Et d’o˘ doncques viendrait cette prompte sortie ? Oui, vous n’Ítes dehors que par votre caquet. Je ne sais si souvent vous jouez au piquet : Mais au moins faites-vous des Ècarts admirables.

– LÈlie –

O le plus malheureux de tous les misÈrables ! Mais encore, pourquoi me voir chassÈ par toi ?

– Mascarille –

Je ne fis jamais mieux que d’en prendre l’emploi ; par l‡, j’empÍche au moins que de cet artifice Je ne sois soupÁonnÈ d’Ítre auteur ou complice.

– LÈlie –

Tu devais donc, pour toi, frapper plus doucement.

– Mascarille –

Quelque sot. Trufaldin lorgnait exactement : Et puis, je vous dirai, sous ce prÈtexte utile, Je n’Ètais point f‚chÈ d’Èvaporer ma bile. Enfin la chose est faite ; et si j’ai votre foi Qu’on ne vous verra point vouloir venger sur moi, Soit ou directement, ou par quelque autre voie, Les coups sur votre r‚ble assenÈs avec joie, Je vous promets, aidÈ par le poste o˘ je suis, De contenter vos voeux avant qu’il soit deux nuits.

– LÈlie –

Quoique ton traitement ait eu trop de rudesse, Qu’est-ce que dessus moi ne peut cette promesse ?

– Mascarille –

Vous le promettez donc ?

– LÈlie –

Oui, je te le promets.

– Mascarille –

Ce n’est pas encor tout. Promettez que jamais Vous ne vous mÍlerez dans quoi que j’entreprenne.

– LÈlie –

Soit.

– Mascarille –

Si vous y manquez, votre fiËvre quartaine !

– LÈlie –

Mais tiens-moi donc parole, et songe ‡ mon repos.

– Mascarille –

Allez quitter l’habit, et graisser votre dos.

– LÈlie –

(seul.)

Faut-il que le malheur, qui me suit ‡ la trace, Me fasse voir toujours disgr‚ce sur disgr‚ce !

– Mascarille –

(sortant de chez Trufaldin.)

Quoi ! vous n’Ítes pas loin ? Sortez vite d’ici ; Mais surtout gardez-vous de prendre aucun souci, Puisque je fais pour vous, que cela vous suffise ; N’aidez point mon projet de la moindre entreprise, Demeurez en repos.

– LÈlie –

(en sortant.)

Oui, va, je m’y tiendrai.

– Mascarille –

(seul.)

Il faut voir maintenant quel biais je prendrai.

———–

ScËne IX. – Ergaste, Mascarille.

– Ergaste –

Mascarille, je viens te dire une nouvelle Qui donne ‡ tes desseins une atteinte cruelle. A l’heure que je parle, un jeune Egyptien, Qui n’est pas noir pourtant, et sent assez son bien, Arrive, accompagnÈ d’une vieille fort h‚ve, Et vient chez Trufaldin racheter cette esclave Que vous vouliez : pour elle il paraÓt fort zÈlÈ.

– Mascarille –

Sans doute c’est l’amant dont CÈlie a parlÈ. Fut-il jamais destin plus brouillÈ que le nÙtre ! Sortant d’un embarras, nous entrons dans un autre. En vain nous apprenons que LÈandre est au point De quitter la partie, et ne nous troubler point ; Que son pËre, arrivÈ contre toute espÈrance, Du cÙtÈ d’Hippolyte emporte la balance, Qu’il a tout fait changer par son autoritÈ, Et va dËs aujourd’hui conclure le traitÈ ; Lorsqu’un rival s’Èloigne, un autre plus funeste S’en vient nous enlever tout l’espoir qui nous reste. Toutefois, par un trait merveilleux de mon art, Je crois que je pourrai retarder leur dÈpart, Et me donner le temps qui sera nÈcessaire Pour t‚cher de finir cette fameuse affaire. Il s’est fait un grand vol ; par qui ? l’on n’en sait rien : Eux autres rarement passent pour gens de bien ; Je veux adroitement, sur un soupÁon frivole, Faire pour quelques jours emprisonner ce drÙle. Je sais des officiers, de justice altÈrÈs, Qui sont pour de tels coups de vrais dÈlibÈrÈs ; Dessus l’avide espoir de quelque paraguante (27), Il n’est rien que leur art aveuglÈment ne tente ; Et du plus innocent, toujours ‡ leur profit La bourse est criminelle, et paye son dÈlit.

ACTE V.
——-

ScËne premiËre. – Mascarille, Ergaste.

– Mascarille –

Ah ! chien ! ah ! double chien ! m‚tine de cervelle ! Ta persÈcution sera-t-elle Èternelle ?

– Ergaste –

Par les soins vigilants de l’exempt BalafrÈ, Ton affaire allait bien, le drÙle Ètait coffrÈ, Si ton maÓtre au moment ne f˚t venu lui-mÍme, En vrai dÈsespÈrÈ, rompre ton stratagËme : Je ne saurais souffrir, a-t-il dit hautement, Qu’un honnÍte homme soit traÓnÈ honteusement ; J’en rÈponds sur sa mine, et je le cautionne : Et, comme on rÈsistait ‡ l‚cher sa personne, D’abord il a chargÈ si bien sur les recors, Qui sont gens d’ordinaire ‡ craindre pour leur corps, Qu’‡ l’heure que je parle ils sont encore en fuite, Et pensent tous avoir un LÈlie ‡ leur suite.

– Mascarille –

Le traÓtre ne sait pas que cet Egyptien Est dÈj‡ l‡-dedans pour lui ravir son bien.

– Ergaste –

Adieu. Certaine affaire ‡ te quitter m’oblige.

———–

ScËne II. – Mascarille.

– Mascarille –

Oui, je suis stupÈfait de ce dernier prodige. On dirait (et pour moi j’en suis persuadÈ) Que ce dÈmon brouillon dont il est possÈdÈ Se plaise ‡ me braver, et me l’aille conduire Partout o˘ sa prÈsence est capable de nuire. Pourtant je veux poursuivre, et, malgrÈ tous ces coups, Voir qui l’emportera de ce diable ou de nous. CÈlie est quelque peu de notre intelligence, Et ne voit son dÈpart qu’avecque rÈpugnance. Je t‚che ‡ profiter de cette occasion. Mais ils viennent ; songeons ‡ l’exÈcution. Cette maison meublÈe est en ma biensÈance, Je puis en disposer avec grande licence ; Si le sort nous en dit, tout sera bien rÈglÈ ; Nul que moi ne s’y tient, et j’en garde la clÈ. O Dieu ! qu’en peu de temps on a vu d’aventures, Et qu’un fourbe est contraint de prendre de figures !

———–

ScËne III. – CÈlie, AndrËs.

– AndrËs –

Vous le savez, CÈlie, il n’est rien que mon coeur N’ait fait pour vous prouver l’excËs de son ardeur. Chez les VÈnitiens, dËs un assez jeune ‚ge, La guerre en quelque estime avait mis mon courage, Et j’y pouvais un jour, sans trop croire de moi, PrÈtendre, en les servant, un honorable emploi ; Lorsqu’on me vit pour vous oublier toute chose, Et que le prompt effet d’une mÈtamorphose, Qui suivit de mon coeur le soudain changement, Parmi vos compagnons sut ranger votre amant, Sans que mille accidents, ni votre indiffÈrence, Aient pu me dÈtacher de ma persÈvÈrance. Depuis, par un hasard, d’avec vous sÈparÈ Pour beaucoup plus de temps que je n’eusse augurÈ, Je n’ai, pour vous rejoindre, ÈpargnÈ temps ni peine ; Enfin, ayant trouvÈ la vieille Egyptienne, Et plein d’impatience, apprenant votre sort, Que pour certain argent qui leur importait fort, Et qui de tous vos gens dÈtourne le naufrage, Vous aviez en ces lieux ÈtÈ mise en otage, J’accours vite y briser ces chaÓnes d’intÈrÍt, Et recevoir de vous les ordres qu’il vous plaÓt : Cependant on vous voit une morne tristesse, Alors que dans vos yeux doit briller l’allÈgresse. Si pour vous la retraite avait quelques appas, Venise, du butin fait parmi les combats, Me garde pour tous deux de quoi pouvoir y vivre ; Que si, comme devant, il vous faut encor suivre, J’y consens, et mon coeur n’ambitionnera Que d’Ítre auprËs de vous tout ce qu’il vous plaira.

– CÈlie –

Votre zËle pour moi visiblement Èclate : Pour en paraÓtre triste, il faudrait Ítre ingrate, et mon visage aussi, par son Èmotion,
N’explique point mon coeur en cette occasion. Une douleur de tÍte y peint sa violence ; Et si j’avais sur vous quelque peu de puissance, Notre voyage, au moins pour trois ou quatre jours, Attendrait que ce mal e˚t pris un autre cours.

– AndrËs –

Autant que vous voudrez, faites qu’il se diffËre. Toutes mes volontÈs ne butent qu’‡ vous plaire. Cherchons une maison ‡ vous mettre en repos. L’Ècriteau que voici s’offre tout ‡ propos.

———–

ScËne IV. – CÈlie, AndrËs, Mascarille, dÈguisÈ en Suisse.

– AndrËs –

Seigneur Suisse, Ítes-vous de ce logis le maÓtre ?

– Mascarille –

Moi pour serfir ‡ fous.

– AndrËs –

Pourrons-nous y bien Ítre !

– Mascarille –

Oui ; moi pour dÈtrancher chafons champre carni. Mais che non point locher te chans te mÈchant vi.

– AndrËs –

Je crois votre maison franche de tout ombrage.

– Mascarille –

Fous noufeau dans sti fil, moi foir ‡ la fissage.

– AndrËs –

Oui.

– Mascarille –

La matame est-il mariage al monsieur ?

– AndrËs –

Quoi ?

– Mascarille –

S’il Ítre son fame, ou s’il Ítre son soeur ?

– AndrËs –

Non.

– Mascarille –

Mon foi, pien choli ; fenir pour marchantisse, Ou pien pour temanter ‡ la palais choustice ? La procËs il faut rien, il co˚ter tant t’archant ! La procurair larron, l’afocat pien mÈchant.

– AndrËs –

Ce n’est pas pour cela.

– Mascarille –

Fous tonc mener sti file
Pour fenir pourmener et recarter la file ?

– AndrËs –

(A CÈlie.)

Il n’importe. Je suis ‡ vous dans un moment. Je vais faire venir la vieille promptement, Contremander aussi notre voiture prÍte.

– Mascarille –

Li ne porte pas pien.

– AndrËs –

Elle a mal ‡ la tÍte.

– Mascarille –

Moi chafoir te pon fin, et te fromage pon. Entre fous, entre fous tans mon petit maisson.

(CÈlie, AndrËs et Mascarille entrent dans la maison.)

———–

ScËne V. – LÈlie.

– LÈlie –

Quel que soit le transport d’une ‚me impatiente, La parole m’engage ‡ rester en attente, A laisser faire un autre, et voir sans rien oser, Comme de mes destins le ciel veut disposer.

———–

ScËne VI. – AndrËs, LÈlie.

– LÈlie –

(A AndrËs, qui sort de la maison.)

Demandiez-vous quelqu’un dedans cette demeure ?

– AndrËs –

C’est un logis garni que j’ai pris tout ‡ l’heure.

– LÈlie –

A mon pËre pourtant la maison appartient, Et mon valet, la nuit pour la garder s’y tient.

– AndrËs –

Je ne sais ; l’Ècriteau marque au moins qu’on la loue ; Lisez.

– LÈlie –

Certes, ceci me surprend, je l’avoue. Qui diantre l’aurait mis ? et par quel intÈrÍt… ? Ah ! ma foi, je devine ‡ peu prËs ce que c’est ! Cela ne peut venir que de ce que j’augure.

– AndrËs –

Peut-on vous demander quelle est cette aventure ?

– LÈlie –

Je voudrais ‡ tout autre en faire un grand secret ; Mais pour vous il n’importe, et vous serez discret. Sans doute l’Ècriteau que vous voyez paraÓtre, Comme je conjecture, au moins, ne saurait Ítre Que quelque invention du valet que je di, Que quelque noeud subtil qu’il doit avoir ourdi Pour mettre en mon pouvoir certaine Egyptienne Dont j’ai l’‚me piquÈe, et qu’il faut que j’obtienne. Je l’ai dÈj‡ manquÈe, et mÍme plusieurs coups.

– AndrËs –

Vous l’appelez ?

– LÈlie –

CÈlie.

– AndrËs –

Eh ! que ne disiez-vous ? Vous n’avez qu’‡ parler, je vous aurais sans doute EpargnÈ tous les soins que ce projet vous co˚te.

– LÈlie –

Quoi ? vous la connaissez ?

– AndrËs –

C’est moi qui maintenant Viens de la racheter.

– LÈlie –

O discours surprenant !

– AndrËs –

Sa santÈ de partir ne nous pouvant permettre, Au logis que voil‡ je venais de la mettre ; Et je suis trËs ravi, dans cette occasion, Que vous m’ayez instruit de votre invention.

– LÈlie –

Quoi ? j’obtiendrais de vous le bonheur que j’espËre ? Vous pourriez… ?

– AndrËs –

(allant frapper ‡ la porte.)

Tout ‡ l’heure on va vous satisfaire.

– LÈlie –

Que pourrai-je vous dire ? Et quel remerciement… ?

– AndrËs –

Non, ne m’en faites point, je n’en veux nullement.

———–

ScËne VII. – LÈlie, AndrËs, Mascarille.

– Mascarille –

(‡ part.)

Eh bien ! Ne voil‡ pas mon enragÈ de maÓtre ! Il nous va faire encor quelque nouveau bissÍtre (28).

– LÈlie –

Sous ce grotesque habit qui l’aurait reconnu ? Approche, Mascarille, et sois le bienvenu.

– Mascarille –

Moi souis ein chant t’honneur, moi non point Maquerille. Chai point fentre chamais le fame ni le fille.

– LÈlie –

Le plaisant baragouin ! il est bon, sur ma foi !

– Mascarille –

Alez fous pourmener, sans toi rire te moi.

– LÈlie –

Va, va, lËve le masque, et reconnais ton maÓtre.

– Mascarille –

PartiÈ ! tiable, mon foi chamais toi chai connaÓtre.

– LÈlie –

Tout est accommodÈ, ne te dÈguise point.

– Mascarille –

Si toi point t’en aller, che paille ein coup te poing.

– LÈlie –

Ton jargon allemant est superflu, te dis-je ; Car nous sommes d’accord ; et sa bontÈ m’oblige. J’ai tout ce que mes voeux lui pouvaient demander, Et tu n’as pas sujet de rien apprÈhender.

– Mascarille –

Si vous Ítes d’accord par un bonheur extrÍme, Je me dessuisse donc, et redeviens moi-mÍme.

– AndrËs –

Ce valet vous servait avec beaucoup de feu. Mais je reviens ‡ vous, demeurez quelque peu.

———–

ScËne VIII. – LÈlie, Mascarille.

– LÈlie –

Eh bien ! que diras-tu ?

– Mascarille –

Que j’ai l’‚me ravie
De voir d’un beau succËs notre peine suivie.

– LÈlie –

Tu feignais ‡ sortir de ton dÈguisement, Et ne pouvais me croire en cet ÈvÈnement.

– Mascarille –

Comme je vous connais, j’Ètais dans l’Èpouvante, Et trouve l’aventure aussi fort surprenante.

– LÈlie –

Mais confesse qu’enfin c’est avoir fait beaucoup. Au moins j’ai rÈparÈ mes fautes ‡ ce coup, Et j’aurai cet honneur d’avoir fini l’ouvrage.

– Mascarille –

Soit ; vous aurez ÈtÈ bien plus heureux que sage.

———–

ScËne IX. – CÈlie, AndrËs, LÈlie, Mascarille.

– AndrËs –

N’est-ce pas l‡ l’objet dont vous m’avez parlÈ ?

– LÈlie –

Ah ! quel bonheur au mien pourrait Ítre ÈgalÈ !

– AndrËs –

Il est vrai, d’un bienfait je vous suis redevable. Si je ne l’avouais, je serais condamnable : Mais enfin ce bienfait aurait trop de rigueur, S’il fallait le payer aux dÈpens de mon coeur. Jugez, dans le transport o˘ sa beautÈ me jette, Si je dois ‡ ce prix vous acquitter ma dette ! Vous Ítes gÈnÈreux, vous ne le voudriez pas : Adieu. Pour quelques jours retournons sur nos pas.

———–

ScËne X. – LÈlie, Mascarille.

– Mascarille –

(aprËs avoir chantÈ.)

Je ris, et toutefois je n’en ai guËre envie ; Vous voil‡ bien d’accord, il vous donne CÈlie ; Hem ! vous m’entendez bien.

– LÈlie –

C’est trop ; je ne veux plus Te demander pour moi de secours superflus. Je suis un chien, un traÓtre, un bourreau dÈtestable, Indigne d’aucun soin, de rien faire incapable. Va, cesse tes efforts pour un malencontreux, Qui ne saurait souffrir qu’on le rende heureux. AprËs tant de malheurs, aprËs mon imprudence, Le trÈpas me doit seul prÍter son assistance.

———–

ScËne XI. – Mascarille.

– Mascarille –

Voil‡ le vrai moyen d’achever son destin ; Il ne lui manque plus que de mourir enfin, Pour le couronnement de toutes ses sottises. Mais en vain son dÈpit pour ses fautes commises Lui fait licencier mes soins et mon appui, Je veux, quoi qu’il en soit, le servir malgrÈ lui, Et dessus son lutin obtenir la victoire. Plus l’obstacle est puissant, plus on reÁoit de gloire ; Et les difficultÈs dont on est combattu Sont les dames d’atours qui parent la vertu.

———–

ScËne XII. – CÈlie, Mascarille.

– CÈlie –

(A Mascarille, qui lui a parlÈ bas.)

Quoi que tu veuilles dire, et que l’on se propose, De ce retardement j’attends fort peu de chose. Ce qu’on voit de succËs peut bien persuader Qu’ils ne sont pas encor fort prËs de s’accorder : Et je t’ai dÈj‡ dit qu’un coeur comme le nÙtre Ne voudrait pas pour l’un faire injustice ‡ l’autre, Et que trËs fortement, par de diffÈrents noeuds, Je me trouve attachÈe au parti de tous deux. Si LÈlie a pour lui l’amour et sa puissance, AndrËs pour son partage a la reconnaissance, Qui ne souffrira point que mes pensers secrets Consultent jamais rien contre ses intÈrÍts. Oui, s’il ne peut avoir plus de place en mon ‚me, Si le don de mon coeur ne couronne sa flamme, Au moins dois-je ce prix ‡ ce qu’il fait pour moi De n’en choisir point d’autre, au mÈpris de sa foi, Et de faire ‡ mes voeux autant de violence Que j’en fais aux dÈsirs qu’il met en Èvidence. Sur ces difficultÈs qu’oppose mon devoir, Juge ce que tu peux te permettre d’espoir.

– Mascarille –

Ce sont, ‡ dire vrai, de trËs f‚cheux obstacles, Et je ne sais point l’art de faire des miracles ; Mais je vais employer mes efforts plus puissants, Remuer terre et ciel, m’y prendre de tous sens Pour t‚cher de trouver un biais salutaire, Et vous dirai bientÙt ce qui se pourra faire.

———–

ScËne XIII. – Hippolyte, CÈlie.

– Hippolyte –

Depuis votre sÈjour, les dames de ces lieux Se plaignent justement des larcins de vos yeux, Si vous leur dÈrobez leurs conquÍtes plus belles Et de tous leurs amants faites des infidËles : il n’est guËre de coeurs qui puissent Èchapper Aux traits dont ‡ l’abord vous savez les frapper ; Et mille libertÈs, ‡ vos chaÓnes offertes, Semblent vous enrichir chaque jour de nos pertes. Quant ‡ moi, toutefois, je ne me plaindrais pas Du pouvoir absolu de vos rares appas,
Si, lorsque mes amants sont devenus les vÙtres, Un seul m’e˚t consolÈ de la perte des autres : Mais qu’inhumainement vous me les Ùtiez tous, C’est un dur procÈdÈ dont je me plains ‡ vous.

– CÈlie –

Voil‡ d’un air galant faire une raillerie ; Mais Èpargnez un peu celle qui vous en prie. Vos yeux, vos propres yeux se connaissent trop bien, Pour pouvoir de ma part redouter jamais rien ; Ils sont fort assurÈs du pouvoir de leurs charmes, Et ne prendront jamais de pareilles alarmes.

– Hippolyte –

Pourtant en ce discours je n’ai rien avancÈ Qui dans tous les esprits ne soit dÈj‡ passÈ ; Et sans parler du reste, on sait bien que CÈlie A causÈ des dÈsirs ‡ LÈandre et LÈlie.

– CÈlie –

Je crois qu’Ètant tombÈs dans cet aveuglement, Vous vous consoleriez de leur perte aisÈment, Et trouveriez pour vous l’amant peu souhaitable Qui d’un si mauvais choix se trouverait capable.

– Hippolyte –

Au contraire, j’agis d’un air diffÈrent, Et trouve en vos beautÈs un mÈrite si grand ; J’y vois tant de raisons capables de dÈfendre L’inconstance de ceux qui s’en laissent surprendre, Que je ne puis bl‚mer la nouveautÈ des feux Dont envers moi LÈandre a parjurÈ ses voeux, Et le vais voir tantÙt, sans haine et sans colËre, RamenÈ sous mes lois par le pouvoir d’un pËre.

———–

ScËne XIV. – CÈlie, Hippolyte, Mascarille.

– Mascarille –

Grande, grande nouvelle, et succËs surprenant, Que ma bouche vous vient annoncer maintenant !

– CÈlie –

Qu’est-ce donc ?

– Mascarille –

Ecoutez ; voici sans flatterie…

– CÈlie –

Quoi ?

– Mascarille –

La fin d’une vraie et pure comÈdie La vieille Egyptienne ‡ l’heure mÍme…

– CÈlie –

Eh bien ?

– Mascarille –

Passait dedans la place, et ne songeait ‡ rien, Alors qu’une autre vieille assez dÈfigurÈe L’ayant de prËs au nez longtemps considÈrÈe, Par un bruit enrouÈ de mots injurieux,
A donnÈ le signal d’un combat furieux, Qui pour armes pourtant, mousquets, dagues ou flËches, Ne faisait voir en l’air que quatres griffes sËches, Dont ces deux combattants s’efforÁaient d’arracher Ce peu que sur leurs os les ans laissent de chair. On n’entend que ces mots, chienne, louve, bagasse. D’abord leurs escoffions (29) ont volÈ par la place, Et laissant voir ‡ nu deux tÍtes sans cheveux, Ont rendu le combat risiblement affreux. AndrËs et Trufaldin, ‡ l’Èclat du murmure, Ainsi que force monde, accourus d’aventure, Ont ‡ les dÈcharpir (30) eu de la peine assez, Tant leurs esprits Ètaient par la fureur poussÈs. Cependant que chacune, aprËs cette tempÍte, Songe ‡ cacher aux yeux la honte de sa tÍte, Et que l’on veut savoir qui causait cette humeur, Celle qui la premiËre avait fait la rumeur, MalgrÈ la passion dont elle Ètait Èmue, Ayant sur Trufaldin tenu longtemps la vue : C’est vous, si quelque erreur n’abuse ici mes yeux, Qu’on m’a dit qui viviez inconnu dans ces lieux, A-t-elle dit tout haut ; Ù rencontre opportune ! Oui, seigneur Zanobio Ruberti, la fortune Me fait vous reconnaÓtre, et dans le mÍme instant Que pour votre intÈrÍt je me tourmentais tant. Lorsque Naples vous vit quitter votre famille, J’avais, vous le savez, en mes mains votre fille, Dont j’Èlevais l’enfance, et qui, par mille traits, Faisait voir, dËs quatre ans, sa gr‚ce et ses attraits. Celle que vous voyez, cette inf‚me sorciËre, Dedans notre maison se rendant familiËre, Me vola ce trÈsor. HÈlas ! de ce malheur Votre femme, je crois, conÁut tant de douleur, Que cela servit fort pour avancer sa vie : Si bien qu’entre mes mains cette fille ravie Me faisant redouter un reproche f‚cheux, Je vous fis annoncer la mort de toutes deux. Mais il faut maintenant, puisque je l’ai connue, Qu’elle fasse savoir ce qu’elle est devenue. Au nom de Zanobio Ruberti, que sa voix,
Pendant tout ce rÈcit, rÈpÈtait plusieurs fois, AndrËs, ayant changÈ quelque temps de visage, A Trufaldin surpris a tenu ce langage :
Quoi donc ! le ciel me fait trouver heureusement Celui que jusqu’ici j’ai cherchÈ vainement, Et que j’avais pu voir, sans pourtant reconnaÓtre La source de mon sang et l’auteur de mon Ítre ! Oui, mon pËre, je suis Horace votre fils. D’Albert, qui me gardait, les jours Ètant finis, Me sentant naÓtre au coeur d’autres inquiÈtudes, Je sortis de Bologne, et, quittant mes Ètudes, Portai durant six ans mes pas en divers lieux, Selon que me poussait un dÈsir curieux : Pourtant, aprËs ce temps, une secrËte envie Me pressa de revoir les miens et ma patrie ; Mais dans Naples, hÈlas ! je ne vous trouvai plus, Et n’y sus votre sort que par des bruits confus : Si bien qu’‡ votre quÍte ayant perdu mes peines, Venise pour un temps borna mes courses vaines ; Et j’ai vÈcu depuis, sans que de ma maison J’eusse d’autres clartÈs que d’en savoir le nom. Je vous laisse ‡ juger si, pendant ces affaires, Trufaldin ressentait des transports ordinaires. Enfin, pour retrancher ce que plus ‡ loisir Vous aurez le moyen de vous faire Èclaircir Par la confession de votre Egyptienne,
Trufaldin maintenant vous reconnaÓt pour sienne ; AndrËs est votre frËre ; et comme de sa soeur Il ne peut plus songer ‡ se voir possesseur, Une obligation qu’il prÈtend reconnaÓtre A fait qu’il vous obtient pour Èpouse ‡ mon maÓtre Dont le pËre, tÈmoin de tout l’ÈvÈnement, Donne ‡ cet hymÈnÈe un plein consentement, Et, pour mettre une joie entiËre en sa famille, Pour le nouvel Horace a proposÈ sa fille. Voyez que d’incidents ‡ la fois enfantÈs !

– CÈlie –

Je demeure immobile ‡ tant de nouveautÈs.

– Mascarille –

Tous viennent sur mes pas, hors les deux championnes, Qui du combat encor remettent leurs personnes. LÈandre est de la troupe, et votre pËre aussi. Moi je vais avertir mon maÓtre de ceci, Et que lorsqu’‡ ses voeux on croit le plus d’obstacle, Le ciel en sa faveur produit comme un miracle.

(Mascarille sort.)

– Hippolyte –

Un tel ravissement rend mes esprits confus, Que pour mon propre sort je n’en aurais pas plus. Mais les voici venir.

———–

ScËne XV. – Trufaldin, Anselme, Pandolfe, CÈlie, Hippolyte, LÈandre, AndrËs.

– Trufaldin –

Ah ! ma fille !

– CÈlie –

Ah ! mon pËre !

– Trufaldin –

Sais-tu dÈj‡ comment le ciel nous est prospËre ?

– CÈlie –

Je viens d’entendre ici ce succËs merveilleux.

– Hippolyte –

(A LÈandre.)

En vain vous parleriez pour excuser vos feux, Si j’ai devant les yeux ce que vous pouvez dire.

– LÈandre –

Un gÈnÈreux pardon est ce que je dÈsire : Mais j’atteste les cieux qu’en ce retour soudain Mon pËre fait bien moins que mon propre dessein.

– AndrËs –

(A CÈlie.)

Qui l’aurait jamais cru que cette ardeur si pure P˚t Ítre condamnÈe un jour par la nature ! Toutefois tant d’honneur la sut toujours rÈgir, Qu’en y changeant fort peu je puis la retenir.

– CÈlie –

Pour moi, je me bl‚mais, et croyais faire faute, Quand je n’avais pour vous qu’une estime trËs haute. Je ne pouvais savoir quel obstacle puissant M’arrÍtait sur un pas si doux et si glissant, Et dÈtournait mon coeur de l’aveu d’une flamme Que mes sens s’efforÁaient d’introduire en mon ‚me.

– Trufaldin –

(A CÈlie.)

Mais en te recouvrant, que diras-tu de moi, Si je songe aussitÙt ‡ me priver de toi, Et t’engage ‡ son fils sous les lois d’hymÈnÈe ?

– CÈlie –

Que de vous maintenant dÈpend ma destinÈe.

———–

ScËne XVI. – Trufaldin, Anselme, Pandolfe, CÈlie, Hippolyte, LÈlie, LÈandre, AndrËs, Mascarille.

– Mascarille –

(A LÈlie.)

Voyons si votre diable aura bien le pouvoir De dÈtruire ‡ ce coup un si solide espoir ; Et si, contre l’excËs du bien qui nous arrive, Vous armerez encor votre imaginative.
Par un coup imprÈvu des destins les plus doux, Vos voeux sont couronnÈs, et CÈlie est ‡ vous.

– LÈlie –

Croirai-je que du ciel la puissance absolue…

– Trufaldin –

Oui, mon gendre, il est vrai.

– Pandolfe –

La chose est rÈsolue.

– AndrËs –

(A LÈlie.)

Je m’acquitte par l‡ de ce que je vous dois.

– LÈlie –

(A Mascarille.)

Il faut que je t’embrasse et mille et mille fois. Dans cette joie…

– Mascarille –

Ahi ! ahi ! doucement, je vous prie. Il m’a presque ÈtouffÈ. Je crains fort pour CÈlie, Si vous la caressez avec tant de transport : De vos embrassements on se passerait fort.

– Trufaldin –

(A LÈlie.)

Vous savez le bonheur que le ciel me renvoie ; Mais puisqu’un mÍme jour nous met tous dans la joie, Ne nous sÈparons point qu’il ne soit terminÈ, Et que son pËre aussi nous soit vite amenÈ.

– Mascarille –

Vous voil‡ tous pourvus. N’est-il point quelque fille Qui p˚t accommoder le pauvre Mascarille ? A voir chacun se joindre ‡ sa chacune ici, J’ai des dÈmangeaisons de mariage aussi.

– Anselme –

J’ai ton fait.

– Mascarille –

Allons donc, et que les cieux prospËres Nous donnent des enfants dont nous soyons les pËres.

FIN DE L’ETOURDI.

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Notes [from 1890 edition]

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(1) “Gent”, “gente” ne veut pas dire “gentille”. Ce mot exprime ‡ la fois la lÈgËretÈ dans la taille, la propretÈ et l’ÈlÈgance dans les vÍtements. (Voyez Nicot et Le Duchat.) ———–
(2) “Avoir maille ‡ partir”, c’est-‡-dire ‡ se partager, du latin “partiri”. La maille Ètait une petite monnaie de si peu de valeur qu’elle ne pouvait Ítre divisÈe. De l‡ le proverbe “avoir maille ‡ partir”, se disputer sur un partage impossible, et, par extension, avoir une dispute interminable. MÈnage dit que cette monnaie Ètait ainsi appelÈe du vieux mot franÁais “maille”, qui signifie “figure carrÈe”, parce que la maille avait cette forme. N’avoir ni “denier” ni “maille” signifiait autrefois n’avoir aucune sorte de monnaie, ni “ronde” ni “carrÈe”.
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(3) “Coucher d’imposture”, pour “payer de ruses, de mensonges”. Cette maniËre de s’exprimer, dit Voltaire, n’est plus admise : elle vient du jeu. On disait : “CouchÈ de vingt pistoles”, “de trente pistoles”, “couchÈ belle”.
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(4) Imitation du proverbe italien : “Salir le mosche al naso”. On dit proverbialement en franÁais, qu'”un homme est tendre aux mouches”, qu'”il prend la mouche”, que “la mouche le pique”, pour exprimer qu’il est trop susceptible, qu’il se f‚che mal ‡ propos. (B.) ———–
(5) On appelle “panneau” un filet ‡ prendre des liËvres, des lapins, etc. De l‡ les expressions proverbiales “donner”, “se jeter”, et “jeter quelqu’un dans le panneau”. (A.) ———–
(6) “Etre en paroles”, pour “converser”, “s”entretenir”. On dit encore aujourd’hui, “ils sont en paroles de mariage”, “en paroles d’affaires”. Ces phrases toutes faites dÈrivent peut-Ítre de la phrase dont MoliËre se sert ici, et qui n’est plus d’usage.
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(7) “Semondre”, de “submonere”, inviter, convier. Il est bon de remarquer que ce mot Ètait hors d’usage longtemps avant MoliËre. ———–
(8) Ce demi-vers est obscur. Anselme veut dire sans doute : Pl˚t ‡ Dieu qu’il dormÓt en paix ! que rien ne troubl‚t le repos de son ‚me, car il ne doute pas un seul instant que son ami ne soit mort, comme le prouve le vers suivant.
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(9) “Prou”, vieux mot qui signifie “assez”, “beaucoup”. Il n’est plus d’usage que dans ces phrases familiËres : “peu ou prou”, “ni peu ni prou”. (B.)
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(10) Il faut supplÈer “le ferait ; mais je ne le ferai pas”. Cette locution elliptique, trËs commune dans nos anciennes comÈdies, est encore d’usage dans la conversation. (A.) ———–
(11) “Si jamais mon bien te fut considÈrable”, c’est-‡-dire, si jamais mon bien te fut cher, fut de quelque prix ‡ tes yeux. Autrefois “considÈrable” s’employait avec un rÈgime. ———–
(12) “Devis”, propos familiers, propos qui font passer le temps. ———–
(13) Ce mot “baie” vient de l’italien “baia”. Les Italiens disent comme nous, “dar la baia”, pour “se moquer”. (MÈnage.) ———–
(14) “Male”, de “malus”, mauvais. Ce mot est trËs ancien dans notre langue. On disait dans le douxiËme siËcle, male-femme, male-loi, pour mauvaise femme, mauvaise loi. ———–
(15) Ce vers fait allusion au soleil reprÈsentÈ sur les louis d’or du temps de Louis XIV. Charles IX est le premier de nos rois qui ait fait frapper des monnaies d’or avec l’effigie du soleil ; Louis XIV est le dernier.
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(16) Suivant une vieille lÈgende, Olibrius, gouverneur des Gaules, ne pouvant toucher le coeur de sainte Reine, la fit mourir. Le martyre de cette sainte fut plus tard le sujet d’un grand nombre de “mystËres” qui plaisaient beaucoup au peuple. Olibrius y Ètait reprÈsentÈ comme un fanfaron ; un glorieux, “un occiseur d’innocents” ; de l‡ l’expression proverbiale : “faire l’Olibrius”, pour “faire le faux brave”, “persÈcuter ceux qui sont sans dÈfense”, etc. (Voyez le “Dictionnaire des proverbes”, par la M…) ———–
(17) Cette expression tire son origine d’un jeu fort en usage sous le rËgne de Louis XIV, mais beaucoup plus ancien. Au premier jour de mai, chacun devait se trouver muni d’une branche de verdure. On se visitait, on t‚chait de se surprendre en faute ; ces mots : “Je vous prends sans vert”, retentissaient de tous cÙtÈs, et la moindre nÈgligence Ètait punie d’une amende dont le produit Ètait destinÈ ‡ une fÍte champÍtre o˘ l’on cÈlÈbrait le printemps. ———–
(18) Par “amis d’ÈpÈe”, MoliËre n’entend pas “compagnons d’armes”, mais seulement “compagnons de duel”.
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(19) Le “teston” valait dix sous tournois, le marc d’argent Ètant ‡ douze livres dix sous ; il Ètait appelÈ “teston” ‡ cause de la tÍte de Louis XII qui y Ètait reprÈsentÈe. Cette monnaie, fabriquÈe en 1513, subsista jusqu’‡ Henri III. (B.) ———–
(20) Le mot “robin” signifiait autrefois un “bouffon”, un “sot”, un “facÈtieux”. (B.) – On avait donnÈ le nom de “robin” au mouton, ‡ cause de sa robe de laine. Or le mouton Ètant, au dire d’Aristote, citÈ par Rabelais, le plus sot des animaux, le nom de “robin” est devenu par extension celui des hommes sans esprit. (Le Duchat.) ———–
(21) “Momon”, somme d’argent que des masques jouaient aux dÈs. (B.) – On donnait aussi ce nom aux personnes masquÈes qui s’introduisaient dans les maisons pour jouer ou pour danser. Suivant MÈnage, ce mot vient de “Momus”, dieu de la folie.
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(22) “Tarare”, expression burlesque, imaginÈe, suivant Richelet, pour imiter le son de la trompette, et dont on se sert pour exprimer qu’on ne veut rien entendre, qu’on n’ajoute aucune foi ‡ la chose qu’on nous dit.
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(23) On dit proverbialement, “brider l’oison”, “brider la bÈcasse”, pour “tromper quelqu’un”, “le conduire ‡ sa guise”. MoliËre a fait passer dans son vers toute l’Ènergie de ce proverbe. ———–
(24) On disait autrefois, pour exprimer la voracitÈ d’un homme : “C’est un avaleur de pois gris”. Il est probable que le proverbe tire son origine des charlatans qui Ètaient dans l’usage d’avaler, avec dextÈritÈ, devant le public, une grande quantitÈ de ces pois. On trouve un exemple de ce proverbe dans la “Prison” d’Assoucy, page 45.
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(25) On prononce “fillol” ‡ la ville, dit Vaugelas, et “filleul” ‡ la cour ; et il ajoute : L’usage de la cour doit prÈvaloir sur l’usage de la ville, sans y chercher d’autre raison. Cette dÈcision de Vaugelas s’est accomplie malgrÈ l’autoritÈ de MoliËre. ———–
(26) “Tirez, tirez”, est ici pour “fuyez, Èloignez-vous”. On dit proverbialement, “il a tirÈ au large”, pour “il s’est enfui”. ———–
(27) Les Espagnols disent encore : “Dar para guantes” : c’est-‡-dire, “donner pour les gants”, dont nous avons fait le mot “paraguante”. (MÈnage.) – On donne ce nom au prÈsent qu’on fait ‡ une personne dont on a reÁu quelques bons offices.
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(28) Vieux mot qui signifiait “malheur”, par corruption du mot “bissexte”, parce que anciennement l’annÈe bissextile Ètait rÈputÈe malheureuse. (Lav.)
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(29) “Escoffions”, nom ancien d’une coiffe de femme. On disait Ègalement “escoffions” ou “scoffions”.
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(30) “DÈcharpir”, expression basse et populaire, mais Ènergique, et qui ne se trouve pas dans le “Dictionnaire de l’AcadÈmie” : elle signifie sÈparer avec effort des personnes acharnÈes l’une contre l’autre.
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