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De me dÈterminer ‡ l’hymen d’Hippolyte, J’empÍche qu’un rapport de tout ceci l’irrite. Donc avec Trufaldin (car je sors de chez lui) J’ai voulu tout exprËs agir au nom d’autrui ; Et l’achat fait, ma bague est la marque choisie Sur laquelle au premier il doit livrer CÈlie. Je songe auparavant ‡ chercher les moyens D’Ùter aux yeux de tous ce qui charme les miens ; A trouver promptement un endroit favorable O˘ puisse Ítre en secret cette captive aimable.

– Mascarille –

Hors de la ville un peu, je puis avec raison D’un vieux parent que j’ai vous offrir la maison ; L‡ vous pourrez la mettre avec toute assurance, Et de cette action nul n’aura connaissance.

– LÈandre –

Oui, ma foi, tu me fais un plaisir souhaitÈ. Tiens donc, et va pour moi prendre cette beautÈ. DËs que par Trufaldin ma bague sera vue, AussitÙt en tes mains elle sera rendue, Et dans cette maison tu me la conduiras, Quand… Mais chut, Hippolyte est ici sur nos pas.

———–

ScËne X. – Hippolyte, LÈandre, Mascarille.

– Hippolyte –

Je dois vous annoncer, LÈandre, une nouvelle ; Mais la trouverez-vous agrÈable ou cruelle ?

– LÈandre –

Pour en pouvoir juger et rÈpondre soudain, Il faudrait la savoir.

– Hippolyte –

Donnez-moi donc la main
Jusqu’au temple ; en marchant je pourrai vous l’apprendre.

– LÈandre –

(‡ Mascarille.)

Va, va-t’en me servir sans davantage attendre.

———–

ScËne XI. – Mascarille.

– Mascarille –

Oui, je vais te servir d’un plat de ma faÁon. Fut-il jamais au monde un plus heureux garÁon ? Oh ! que dans un moment LÈlie aura de joie ! Sa maÓtresse en nos mains tomber par cette voie ! Recevoir tout son bien d’o˘ l’on attend son mal ! Et devenir heureux par la main d’un rival ! AprËs ce rare exploit, je veux que l’on s’apprÍte A me peindre en hÈros, un laurier sur la tÍte, Et qu’au bas du portrait on mette en lettres d’or : “Vivat Mascarillus, fourbum imperator” !

———–

ScËne XII. – Trufaldin, Mascarille.

– Mascarille –

Hol‡ !

– Trufaldin –

Que voulez-vous ?

– Mascarille –

Cette bague connue
Vous dira le sujet qui cause ma venue.

– Trufaldin –

Oui, je reconnais bien la bague que voil‡. Je vais quÈrir l’esclave ; arrÍtez un peu l‡.

———–

ScËne XIII. – Trufaldin, Un Courrier, Mascarille.

– Le Courrier –

(‡ Trufaldin.)

Seigneur, obligez-moi de m’enseigner un homme…

– Trufaldin –

Et qui ?

– Le Courrier –

Je crois que c’est Trufaldin qu’il se nomme.

– Trufaldin –

Et que lui voulez-vous ? Vous le voyez ici.

– Le Courrier –

Lui rendre seulement la lettre que voici.

– Trufaldin –

(lit.)

” Le ciel, dont la bontÈ prend souci de ma vie, ” ” Vient de me faire ouÔr, par un bruit assez doux, ” ” Que ma fille, ‡ quatre ans par des voleurs ravie, ” ” Sous le nom de CÈlie est esclave chez vous. ” ” Si vous s˚tes jamais ce que c’est qu’Ítre pËre, ” ” Et vous trouvez sensible aux tendresses du sang, ” ” Conservez-moi chez vous cette fille si chËre, ” ” Comme si de la vÙtre elle tenait le rang. ” ” Pour l’aller retirer je pars d’ici moi-mÍme, ” ” Et vous vais de vos soins rÈcompenser si bien, ” ” Que par votre bonheur, que je veux rendre extrÍme, ” ” Vous bÈnirez le jour o˘ vous causez le mien. ” ” De Madrid. ”
” Don Pedro De Gusman, ” ” Marquis de Montalcane. ”

(il continue.)

Quoiqu’‡ leur nation bien peu de foi soit due, Ils me l’avaient bien dit, ceux qui me l’ont vendue, Que je verrais dans peu quelqu’un la retirer, Et que je n’aurais pas sujet d’en murmurer ; Et cependant j’allais, par mon impatience, Perdre aujourd’hui les fruits d’une haute espÈrance.

(au courrier.)

Un seul moment plus tard, tous vos pas Ètaient vains, J’allais mettre ‡ l’instant cette fille en ses mains. Mais suffit ; j’en aurai tout le soin qu’on dÈsire.

(Le courrier sort.)

(‡ Mascarille.)

Vous-mÍme vous voyez ce que je viens de lire. Vous direz ‡ celui qui vous a fait venir Que je ne lui saurais ma parole tenir ;
Qu’il vienne retirer son argent.

– Mascarille –

Mais l’outrage
Que vous lui faites…

– Trufaldin –

Va, sans causer davantage.

– Mascarille –

(seul.)

Ah ! le f‚cheux paquet que nous venons d’avoir ! Le sort a bien donnÈ la baie (13) ‡ mon espoir ; Et bien ‡ la malheure (14) est-il venu d’Espagne, Ce courrier que la foudre ou la grÍle accompagne. Jamais, certes, jamais plus beau commencement N’eut en si peu de temps plus triste ÈvÈnement.

———–

ScËne XIV. – LÈlie, riant ; Mascarille.

– Mascarille –

Quel beau transport de joie ‡ prÈsent vous inspire ?

– LÈlie –

Laisse-m’en rire encore avant que te le dire.

– Mascarille –

C‡, rions donc bien fort, nous en avons sujet.

– LÈlie –

Ah ! je ne serai plus de tes plaintes l’objet. Tu ne me diras plus, toi qui toujours me cries, Que je g‚te en brouillon toutes tes fourberies : J’ai bien jouÈ moi-mÍme un tour des plus adroits. Il est vrai, je suis prompt, et m’emporte parfois ; Mais pourtant, quand je veux, j’ai l’imaginative Aussi bonne, en effet, que personne qui vive ; Et toi-mÍme avoueras que ce que j’ai fait, part D’une pointe d’esprit o˘ peu de monde a part.

– Mascarille –

Sachons donc ce qu’a fait cette imaginative.

– LÈlie –

TantÙt, l’esprit Èmu d’une frayeur bien vive, D’avoir vu Trufaldin avecque mon rival,
Je songeais ‡ trouver un remËde ‡ ce mal, Lorsque, me ramassant tout entier en moi-mÍme, J’ai conÁu, digÈrÈ, produit un stratagËme Devant qui tous les tiens, dont tu fais tant de cas, Doivent, sans contredit, mettre pavillon bas.

– Mascarille –

Mais qu’est-ce ?

– LÈlie –

Ah ! s’il te plaÓt, donne-toi patience. J’ai donc feint une lettre avecque diligence, Comme d’un grand seigneur Ècrite ‡ Trufaldin, Qui mande qu’ayant su, par un heureux destin, Qu’une esclave qu’il tient sous le nom de CÈlie Est sa fille, autrefois par des voleurs ravie, Il veut la venir prendre, et le conjure au moins De la garder toujours, de lui rendre ses soins ; Qu’‡ ce sujet il part d’Espagne, et doit pour elle Par de si grands prÈsents reconnaÓtre son zËle, Qu’il n’aura point regret de causer son bonheur.

– Mascarille –

Fort bien.

– LÈlie –

Ecoute donc, voici le meilleur. La lettre que je dis a donc ÈtÈ remise ; Mais sais-tu bien comment ? En saison si bien prise, Que le porteur m’a dit que, sans ce trait falot, Un homme l’emmenait, qui s’est trouvÈ fort sot.

– Mascarille –

Vous avez fait ce coup sans vous donner au diable ?

– LÈlie –

Oui. D’un tour si subtil m’aurais-tu cru capable ? Loue au moins mon adresse, et la dextÈritÈ Dont je romps d’un rival le dessein concertÈ.

– Mascarille –

A vous pouvoir louer selon votre mÈrite, Je manque d’Èloquence, et ma force est petite. Oui, pour bien Ètaler set effort relevÈ, Ce bel exploit de guerre ‡ nos yeux achevÈ, Ce grand et rare effet d’une imaginative Qui ne cËde en vigueur ‡ personne qui vive, ma langue est impuissante, et je voudrais avoir Celles de tous les gens du plus exquis savoir, Pour vous dire en beaux vers, ou bien en docte prose, Que vous serez toujours, quoi que l’on se propose, Tout ce que vous avez ÈtÈ durant vos jours ; C’est-‡-dire, un esprit chaussÈ tout ‡ rebours, Une raison malade et toujours en dÈbauche, Un envers du bon sens, un jugement ‡ gauche, Un brouillon, une bÍte, un brusque, un Ètourdi, Que sais-je ? un… cent fois plus encor que je ne di. C’est faire en abrÈgÈ votre panÈgyrique.

– LÈlie –

Apprends-moi le sujet qui contre moi te pique ; Ai-je fait quelque chose ? Eclaircis-moi ce point.

– Mascarille –

Non, vous n’avez rien fait ; mais ne me suivez point.

– LÈlie –

Je te suivrai partout pour savoir ce mystËre.

– Mascarille –

Oui ? Sus donc, prÈparez vos jambes ‡ bien faire, Car je vais vous fournir de quoi les exercer.

– LÈlie –

(seul.)

Il m’Èchappe. O malheur qui ne se peut forcer ! Aux discours qu’il m’a faits que saurais-je comprendre ? Et quel mauvais office aurais-je pu me rendre ?

ACTE III.
———

ScËne premiËre. – Mascarille.

– Mascarille –

Taisez-vous, ma bontÈ, cessez votre entretien ; Vous Ítes une sotte, et je n’en ferai rien. Oui, vous avez raison, mon courroux, je l’avoue ; Relier tant de fois ce qu’un brouillon dÈnoue, C’est trop de patience ; et je dois en sortir, AprËs de si beaux coups qu’il a su divertir. Mais aussi raisonnons un peu sans violence. Si je suis maintenant ma juste impatience, On dira que je cËde ‡ la difficultÈ ; Que je me trouve ‡ bout de ma subtilitÈ : Et que deviendra lors cette publique estime Qui te vante partout pour un fourbe sublime, Et que tu t’es acquise en tant d’occasions, A ne t’Ítre jamais vu court d’inventions ? L’honneur, Ù Mascarille, est une belle chose ! A tes nobles travaux ne fait aucune pause ; Et quoi qu’un maÓtre ait fait pour te faire enrager, AchËve pour ta gloire, et non pour l’obliger. Mais quoi ! Que ferais-tu, que de l’eau toute claire ? TraversÈ sans repos par ce dÈmon contraire, Tu vois qu’‡ chaque instant il te fait dÈchanter, Et que c’est battre l’eau de prÈtendre arrÍter Ce torrent effrÈnÈ, qui de tes artifices Renverse en un moment les plus beaux Èdifices. Eh bien ! pour toute gr‚ce, encore un coup du moins, Au hasard du succËs sacrifions des soins ; Et s’il poursuit encore ‡ rompre notre chance, J’y consens, Ùtons-lui toute notre assistance. Cependant notre affaire encor n’irait pas mal, Si par l‡ nous pouvions perdre notre rival, Et que LÈandre enfin, lassÈ de sa poursuite, Nous laiss‚t jour entier pour ce que je mÈdite. Oui, je roule en ma tÍte un trait ingÈnieux, Dont je promettrais bien un succËs glorieux, Si je puis n’avoir plus cet obstacle ‡ combattre. Bon, voyons si son feu se rend opini‚tre.

———–

ScËne II. – LÈandre, Mascarille.

– Mascarille –

Monsieur, j’ai perdu temps, votre homme se dÈdit.

– LÈandre –

De la chose lui-mÍme il m’a fait un rÈcit ; Mais c’est bien plus : j’ai su que tout ce beau mystËre D’un rapt d’Egyptiens, d’un grand seigneur pour pËre, Qui doit partir d’Espagne et venir en ces lieux, N’est qu’un pur stratagËme, un trait facÈtieux, Une histoire ‡ plaisir, un conte dont LÈlie A voulu dÈtourner notre achat de CÈlie.

– Mascarille –

Voyez un peu la fourbe !

– LÈandre –

Et pourtant Trufaldin
Est si bien imprimÈ de ce conte badin, Mord si bien ‡ l’app‚t de cette faible ruse, Qu’il ne veut point souffrir que l’on le dÈsabuse.

– Mascarille –

C’est pourquoi dÈsormais il la gardera bien, Et je ne vois pas lieu d’y prÈtendre plus rien.

– LÈandre –

Si d’abord ‡ mes yeux elle parut aimable, Je viens de la trouver tout ‡ fait adorable ; Et je suis en suspens si, pour me l’acquÈrir, Aux extrÍmes moyens je ne dois point courir, Par le don de ma foi rompre sa destinÈe, Et changer ses liens en ceux de l’hymÈnÈe.

– Mascarille –

Vous pourriez l’Èpouser ?

– LÈandre –

Je ne sais ; mais enfin, Si quelque obscuritÈ se trouve en son destin, Sa gr‚ce et sa vertu sont de douces amorces Qui, pour tirer les coeurs, ont d’incroyables forces.

– Mascarille –

Sa vertu, dites-vous ?

– LÈandre –

Quoi ? que murmures-tu ?
AchËve, explique-toi sur ce mot de vertu.

– Mascarille –

Monsieur, votre visage en un moment s’altËre, Et je ferai bien mieux peut-Ítre de me taire.

– LÈandre –

Non, non, parle.

– Mascarille –

Eh bien donc, trËs charitablement, Je veux vous retirer de votre aveuglement. Cette fille…

– LÈandre –

Poursuis.

– Mascarille –

N’est rien moins qu’inhumaine : Dans le particulier elle oblige sans peine, Et son coeur, croyez-moi, n’est point roche, aprËs tout, A quiconque la sait prendre par le bon bout ; Elle fait la sucrÈe, et veut passer pour prude ; Mais je puis en parler avecque certitude. Vous savez que je suis quelque peu d’un mÈtier A me devoir connaÓtre en un pareil gibier.

– LÈandre –

CÈlie…

– Mascarille –

Oui, sa pudeur n’est que franche grimace, Qu’une ombre de vertu qui garde mal sa place, Et qui s’Èvanouit, comme l’on peut savoir, Aux rayons du soleil qu’une bourse fait voir (15).

– LÈandre –

Las ! que dis-tu ? Croirai-je un discours de la sorte ?

– Mascarille –

Monsieur, les volontÈs sont libres : que m’importe ? Non, ne me croyez pas, suivez votre dessein, Prenez cette matoise, et lui donnez la main ; Toute la ville en corps reconnaÓtra ce zËle, Et vous Èpouserez le bien public en elle.

– LÈandre –

Quelle surprise Ètrange !

– Mascarille –

(‡ part.)

Il a pris l’hameÁon,
Courage ! s’il s’y peut enferrer tout de bon, Nous nous Ùtons du pied une f‚cheuse Èpine.

– LÈandre –

Oui, d’un coup Ètonnant ce discours m’assassine.

– Mascarille –

Quoi ! vous pourriez…

– LÈandre –

Va-t-en jusqu’‡ la poste, et voi ; Je ne sais quel paquet qui doit venir pour moi.

(seul, aprËs avoir rÍvÈ.)

Qui ne s’y f˚t trompÈ ! Jamais l’air d’un visage, Si ce qu’il dit est vrai, n’imposa davantage.

———–

ScËne III. – LÈlie, LÈandre.

– LÈlie –

Du chagrin qui vous tient quel peut Ítre l’objet ?

– LÈandre –

Moi ?

– LÈlie –

Vous-mÍme.

– LÈandre –

Pourtant je n’en ai point sujet.

– LÈlie –

Je vois bien ce que c’est, CÈlie en est la cause.

– LÈandre –

Mon esprit ne court pas aprËs si peu de chose.

– LÈlie –

Pour elle vous aviez pourtant de grands desseins : Mais il faut dire ainsi, lorsqu’ils se trouvent vains.

– LÈandre –

Si j’Ètais assez sot pour chÈrir ses caresses, Je me moquerais bien de toutes vos finesses.

– LÈlie –

Quelles finesses donc ?

– LÈandre –

Mon Dieu ! nous savons tout.

– LÈlie –

Quoi ?

– LÈandre –

Votre procÈdÈ de l’un ‡ l’autre bout.

– LÈlie –

C’est de l’hÈbreu pour moi, je n’y puis rien comprendre.

– LÈandre –

Feignez, si vous voulez, de ne me pas entendre ; Mais, croyez-moi, cessez de craindre pour un bien O˘ je serais f‚chÈ de vous disputer rien. J’aime fort la beautÈ qui n’est point profanÈe, Et je ne veux point br˚ler pour une abandonnÈe.

– LÈlie –

Tout beau, tout beau, LÈandre !

– LÈandre –

Ah ! que vous Ítes bon ! Allez, vous dis-je encor, servez-la sans soupÁon ; Vous pourrez vous nommer homme ‡ bonnes fortunes. Il est vrai, sa beautÈ n’est pas des plus communes ; Mais, en revanche aussi, le reste est fort commun.

– LÈlie –

LÈandre, arrÍtons l‡ ce discours importun. Contre moi tant d’efforts qu’il vous plaira pour elle ; Mais, surtout, retenez cette atteinte mortelle. Sachez que je m’impute ‡ trop de l‚chetÈ D’entendre mal parler de ma divinitÈ ;
Et que j’aurai toujours bien moins de rÈpugnance A souffrir votre amour, qu’un discours qui l’offense.

– LÈandre –

Ce que j’avance ici me vient de bonne part.

– LÈlie –

Quiconque vous l’a dit est un l‚che, un pendard. On ne peut imposer de tache ‡ cette fille, Je connais bien son coeur.

– LÈandre –

Mais, enfin, Mascarille D’un semblable procËs est juge compÈtent : C’est lui qui la condamne.

– LÈlie –

Oui !

– LÈandre –

Lui-mÍme.

– LÈlie –

Il prÈtend
D’une fille d’honneur insolemment mÈdire, Et que peut-Ítre encor je n’en ferai que rire ! Gage qu’il se dÈdit.

– LÈandre –

Et moi gage que non.

– LÈlie –

Parbleu ! je le ferais mourir sous le b‚ton, S’il m’avait soutenu des faussetÈs pareilles.

– LÈandre –

Moi je lui couperais sur-le-champ les oreilles, S’il n’Ètait pas garant de tout ce qu’il m’a dit.

———–

ScËne IV. – LÈlie, LÈandre, Mascarille.

– LÈlie –

Ah ! bon, bon, le voil‡. Venez Á‡, chien maudit.

– Mascarille –

Quoi ?

– LÈlie –

Langue de serpent, fertile en impostures, Vous osez sur CÈlie attacher vos morsures, Et lui calomnier la plus rare vertu
Qui puisse faire Èclat sous son sort abattu ?

– Mascarille –

(bas, ‡ LÈlie.)

Doucement, ce discours est de mon industrie.

– LÈlie –

Non, non, point de clin d’oeil et point de raillerie ; Je suis aveugle ‡ tout, sourd ‡ quoi que ce soit ; F˚t-ce mon propre frËre, il me la payeroit. Et sur ce que j’adore oser porter le bl‚me, C’est me faire une plaie au plus tendre de l’‚me. Tous ces signes sont vains. Quels discours as-tu faits ?

– Mascarille –

Mon Dieu ! ne cherchons point querelle, ou je m’en vais.

– LÈlie –

Tu n’Èchapperas pas.

– Mascarille –

Ahi !

– LÈlie –

Parle donc, confesse.

– Mascarille –

(bas, ‡ LÈlie.)

Laissez-moi, je vous dis que c’est un tour d’adresse.

– LÈlie –

DÈpÍche, qu’as-tu dit ? Vide entre nous ce point.

– Mascarille –

(bas, ‡ LÈlie.)

J’ai dit ce que j’ai dit : ne vous emportez point.

– LÈlie –

(mettant l’ÈpÈe ‡ la main.)

Ah ! je vous ferai bien parler d’une autre sorte !

– LÈandre –

(l’arrÍtant.)

Halte un peu ! retenez l’ardeur qui vous emporte.

– Mascarille –

(‡ part.)

Fut-il jamais au monde un esprit moins sensÈ ?

– LÈandre –

C’est trop que de vouloir le battre en ma prÈsence.

– LÈlie –

Quoi ! ch‚tier mes gens n’est pas en ma puissance ?

– LÈandre –

Comment, vos gens ?

– Mascarille –

(‡ part.)

Encore ! Il va tout dÈcouvrir.

– LÈlie –

Quand j’aurais volontÈ de le battre ‡ mourir, Eh bien ! c’est mon valet.

– LÈandre –

C’est maintenant le nÙtre.

– LÈlie –

Le trait est admirable ! Et comment donc le vÙtre ?

– LÈandre –

Sans doute…

– Mascarille –

(bas, ‡ LÈlie.)

Doucement.

– LÈlie –

Hem ! Que veux-tu conter ?

– Mascarille –

(‡ part.)

Ah ! le double bourreau, qui me va tout g‚ter, Et qui ne comprend rien, quelque signe qu’on donne !

– LÈlie –

Vous rÍvez bien, LÈandre, et me la baillez bonne. Il n’est pas mon valet ?

– LÈandre –

Pour quelque mal commis, Hors de votre service il n’a pas ÈtÈ mis ?

– LÈlie –

Je ne sais ce que c’est.

– LÈandre –

Et, plein de violence,
Vous n’avez pas chargÈ son dos avec outrance ?

– LÈlie –

Point du tout. Moi, l’avoir chassÈ, rouÈ de coups ? Vous vous moquez de moi, LÈandre, ou lui de vous.

– Mascarille –

(‡ part.)

Pousse, pousse, bourreau ; tu fais bien tes affaires.

– LÈandre –

(‡ Mascarille.)

Donc les coups de b‚ton ne sont qu’imaginaires ?

– Mascarille –

Il ne sait ce qu’il dit ; sa mÈmoire…

– LÈandre –

Non, non,
Tous ces signes pour toi ne disent rien de bon. Oui, d’un tour dÈlicat mon esprit te soupÁonne. Mais pour l’invention, va, je te le pardonne. C’est bien assez pour moi qu’il m’ait dÈsabusÈ, De voir par quels motifs tu m’avais imposÈ, Et que m’Ètant commis ‡ ton zËle hypocrite, A si bon compte encor je m’en sois trouvÈ quitte. Ceci doit s’appeler “un avis au lecteur”. Adieu, LÈlie, adieu, trËs humble serviteur.

———–

ScËne V. – LÈlie, Mascarille.

– Mascarille –

Courage, mon garÁon, tout heur nous accompagne ; Mettons flamberge au vent et bravoure en campagne ; Faisons l'”Olibrius”, l'”occiseur d’innocents” (16).

– LÈlie –

Il t’avait accusÈ de discours mÈdisants Contre…

– Mascarille –

Et vous ne pouviez souffrir mon artifice, Lui laisser son erreur, qui vous rendait service, Et par qui son amour s’en Ètait presque allÈ ? Non, il a l’esprit franc, et point dissimulÈ. Enfin chez son rival je m’ancre avec adresse, Cette fourbe en mes mains va mettre sa maÓtresse, Il me la fait manquer avec de faux rapports. Je veux de son rival alentir les transports, Mon brave incontinent vient qui le dÈsabuse ; J’ai beau lui faire signe, et montrer que c’est ruse ; Point d’affaire : il poursuit sa pointe jusqu’au bout, Et n’est point satisfait qu’il n’ait dÈcouvert tout. Grand et sublime effort d’une imaginative Qui ne le cËde point ‡ personne qui vive ! C’est une rare piËce, et digne, sur ma foi, Qu’on en fasse prÈsent au cabinet du roi.

– LÈlie –

Je ne m’Ètonne pas si je romps tes attentes ; A moins d’Ítre informÈ des choses que tu tentes, J’en ferai encor cent de la sorte.

– Mascarille –

Tant pis.

– LÈlie –

Au moins, pour t’emporter ‡ de justes dÈpits, Fais-moi dans tes desseins entrer de quelque chose ; Mais que de leurs ressorts la porte me soit close, C’est ce qui fait toujours que je suis pris sans vert (17).

– Mascarille –

Je crois que vous seriez un maÓtre d’arme expert Vous savez ‡ merveille, en toutes aventures, Prendre les contre-temps et rompre les mesures.

– LÈlie –

Puisque la chose est faite, il n’y faut plus penser. Mon rival, en tout cas, ne peut me traverser ; Et pourvu que tes soins en qui je me repose…

– Mascarille –

Laissons l‡ ce discours, et parlons d’autre chose. Je ne m’apaise pas, non, si facilement ; Je suis trop en colËre. Il faut premiËrement Me rendre un bon office, et nous verrons ensuite Si je dois de vos feux reprendre la conduite.

– LÈlie –

S’il ne tient qu’‡ cela, je n’y rÈsiste pas. As-tu besoin, dis-moi, de mon sang, de mon bras ?

– Mascarille –

De quelle vision sa cervelle est frappÈe ! Vous Ítes de l’humeur de ces amis d’ÈpÈe (18) Que l’on trouve toujours plus prompts ‡ dÈgaÓner Qu’‡ tirer un teston, s’il fallait le donner (19).

– LÈlie –

Que puis-je donc pour toi !

– Mascarille –

C’est que de votre pËre Il faut absolument apaiser la colËre.

– LÈlie –

Nous avons fait la paix.

– Mascarille –

Oui, mais non pas pour nous. Je l’ai fait, ce matin, mort pour l’amour de vous ; La vision le choque, et de pareilles feintes Aux vieillards comme lui sont de dures atteintes, Qui, sur l’Ètat prochain de leur condition, Leur font faire ‡ regret triste rÈflexion. Le bonhomme, tout vieux, chÈrit fort la lumiËre, Et ne veut point de jeu dessus cette matiËre ; Il craint le pronostic, et contre moi f‚chÈ, On m’a dit qu’en justice il m’avait recherchÈ. J’ai peur, si le logis du roi fait ma demeure, De m’y trouver si bien dËs le premier quart d’heure, Que j’aye peine aussi d’en sortir par aprËs Contre moi dËs longtemps l’on a force dÈcrets ; Car enfin la vertu n’est jamais sans envie, Et dans ce maudit siËcle est toujours poursuivie. Allez donc le flÈchir.

– LÈlie –

Oui, nous le flÈchirons : Mais aussi tu promets…

– Mascarille –

Ah ! Mon Dieu ! nous verrons.

(LÈlie sort.)

Ma foi, prenons haleine aprËs tant de fatigues. Cessons pour quelques temps le cours de nos intrigues, Et de nous tourmenter de mÍme qu’un lutin. LÈandre, pour nous nuire, est hors de garde enfin, Et CÈlie arrÍtÈe avecque l’artifice…

———–

ScËne VI. – Ergaste, Mascarille.

– Ergaste –

Je te cherchais partout pour te rendre un service, Pour te donner avis d’un secret important.

– Mascarille –

Quoi donc ?

– Ergaste –

N’avons-nous point ici quelque Ècoutant ?

– Mascarille –

Non.

– Ergaste –

Nous sommes amis autant qu’on le peut Ítre. Je sais bien tes desseins et l’amour de ton maÓtre ; Songez ‡ vous tantÙt. LÈandre fait parti Pour enlever CÈlie ; et j’en suis averti Qu’il a mis ordre ‡ tout, et qu’il se persuade D’entrer chez Trufaldin par une mascarade, Ayant su qu’en ce temps, assez souvent, le soir, Des femmes du quartier en masque l’allaient voir.

– Mascarille –

Oui ? Suffit ; il n’est pas au comble de sa joie ; Je pourrai bien tantÙt lui souffler cette proie ; Et contre cet assaut je sais un coup fourrÈ Par qui je veux qu’il soit de lui-mÍme enferrÈ. Il ne sait pas les dons dont mon ‚me est pourvue. Adieu, nous boirons pinte ‡ la premiËre vue.

———–

ScËne VII. – Mascarille.

– Mascarille –

Il faut, il faut tirer ‡ nous ce que d’heureux Pourrait avoir en soit ce projet amoureux, Et, par une surprise adroite et non commune, Sans courir le danger, en tenter la fortune. Si je vais me masquer pour devancer ses pas, LÈandre assurÈment ne nous bravera pas. Et l‡, premier que lui, si nous faisons la prise, Il aura fait pour nous les frais de l’entreprise ; Puisque, par son dessein dÈj‡ presque ÈventÈ, Le soupÁon tombera toujours de son cÙtÈ, Et que nous, ‡ couvert de toutes ses poursuites, De ce coup hasardeux ne craindrons point de suites. C’est ne se point commettre ‡ faire de l’Èclat, Et tirer les marrons de la patte du chat. Allons donc nous masquer avec quelques bons frËres ; Pour prÈvenir nos gens, il ne faut tarder guËres. Je sais o˘ gÓt le liËvre, et me puis, sans travail, Fournir en un moment d’hommes et d’attirail. Croyez que je mets bien mon adresse en usage : Si j’ai reÁu du ciel les fourbes en partage, Je ne suis point au rang de ces esprits mal nÈs Qui cachent les talents que Dieu leur a donnÈs.

———–

ScËne VIII. – LÈlie, Ergaste.

– LÈlie –

Il prÈtend l’enlever avec sa mascarade ?

– Ergaste –

Il n’est rien de plus certain. Quelqu’un de sa brigade M’ayant de ce dessein instruit, sans m’arrÍter, A Mascarille lors j’ai couru tout conter, Qui s’en va, m’a-t-il dit, rompre cette partie Par une invention dessus le champ b‚tie ; Et, comme je vous ai rencontrÈ par hasard, J’ai cru que je devais de tout vous faire part.

– LÈlie –

Tu m’obliges par trop avec cette nouvelle : Va, je reconnaÓtrai ce service fidËle.

———–

ScËne IX. – LÈlie.

– LÈlie –

Mon drÙle assurÈment leur jouera quelque trait ; Mais je veux de ma part seconder son projet. Il ne sera pas dit qu’en un fait qui me touche Je ne me sois non plus remuÈ qu’une souche. Voici l’heure, ils seront surpris ‡ mon aspect. Foin ! Que n’ai-je avec moi pris mon porte-respect ? Mais vienne qui voudra contre notre personne, J’ai deux bons pistolets, et mon ÈpÈe est bonne. Hol‡ ! quelqu’un, un mot.

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ScËne X. – Trufaldin, ‡ sa fenÍtre ; LÈlie.

– Trufaldin –

Qu’est-ce ? qui me vient ?

– LÈlie –

Fermez soigneusement votre porte ce soir.

– Trufaldin –

Pourquoi ?

– LÈlie –

Certaines gens font une mascarade Pour vous venir donner une f‚cheuse aubade ; Ils veulent enlever votre CÈlie.

– Trufaldin –

O dieux !

– LÈlie –

Et sans doute bientÙt ils viennent en ces lieux. Demeurez ; vous pourrez voir tout de la fenÍtre. Eh bien ! qu’avais-je dit ? Les voyez-vous paraÓtre ? Chut, je veux ‡ vos yeux leur en faire l’affront. Nous allons voir beau jeu, si la corde ne rompt.

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ScËne XI. – LÈlie, Trufaldin, Mascarille et sa suite, masquÈs.

– Trufaldin –

Oh ! les plaisants robins (20), qui pensent me surprendre !

– LÈlie –

Masques, o˘ courez-vous ? le pourrait-on apprendre ? Trufaldin, ouvrez-leur pour jouer un momon (21).

(‡ Mascarille, dÈguisÈ en femme.)

Bon Dieu, qu’elle est jolie, et qu’elle a l’air mignon ! Eh quoi ! vous murmurez ? Mais, sans vous faire outrage Peut-on lever le masque, et voir votre visage ?

– Trufaldin –

Allez, fourbes mÈchants, retirez-vous d’ici, Canaille ; et vous, seigneur, bonsoir et grand merci.

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ScËne XII. – LÈlie, Mascarille.

– LÈlie –

(aprËs avoir dÈmasquÈ Mascarille.)

Mascarille, est-ce toi ?

– Mascarille –

Nenni-da, c’est quelqu’un d’autre.

– LÈlie –

HÈlas, quelle surprise ! et quel sort est le nÙtre ! L’aurais-je devinÈ, n’Ètant point averti Des secrËtes raisons qui t’avaient travesti ? Malheureux que je suis, d’avoir dessous ce masque EtÈ, sans y penser, te faire cette frasque ! Il me prendrait envie, en mon juste courroux, De me battre moi-mÍme, et de me donner cent coups.

– Mascarille –

Adieu, sublime esprit, rare imaginative.

– LÈlie –

Las ! si de ton secours ta colËre me prive, A quel saint me vouerai-je ?

– Mascarille –

Au grand diable d’enfer !

– LÈlie –

Ah ! si ton coeur pour moi n’est de bronze ou de fer, Qu’encore un coup du moins mon imprudence ait gr‚ce ! S’il faut pour l’obtenir que tes genoux j’embrasse, Vois-moi…

– Mascarille –

Tarare (22) ! allons, camarades, allons : J’entends venir des gens qui sont sur nos talons.

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ScËne XIII. – LÈandre et sa suite, masquÈs ; Trufaldin, ‡ sa fenÍtre.

[ Note: there was a mispelling in the original copy: “ScËne VIII” instead of “ScËne XIII”. ]

– LÈandre –

Sans bruit ; ne faisons rien que de la bonne sorte.

– Trufaldin –

Quoi ! masques toute nuit assiËgeront ma porte ? Messieurs, ne gagnez point de rhumes ‡ plaisir ; Tout cerveau qui le fait est certes de loisir. Il est un peu trop tard pour enlever CÈlie ; Dispensez-l’en ce soir, elle vous en supplie ; La belle est dans le lit, et ne peut vous parler ; J’en suis f‚chÈ pour vous. Mais pour vous rÈgaler Du souci qui pour elle ici vous inquiËte, Elle vous fait prÈsent de cette cassolette.

– LÈandre –

Fi ! cela sent mauvais, et je suis tout g‚tÈ. Nous sommes dÈcouverts, tirons de ce cÙtÈ.

ACTE IV.
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ScËne premiËre. – LÈlie, dÈguisÈ en ArmÈnien ; Mascarille.

– Mascarille –

Vous voil‡ fagotÈ d’une plaisante sorte.

– LÈlie –

Tu ranimes par l‡ mon espÈrance morte.

– Mascarille –

Toujours de ma colËre on me voit revenir ; J’ai beau jurer, pester, je ne m’en puis tenir.

– LÈlie –

Aussi crois, si jamais je suis dans la puissance, Que tu seras content de ma reconnaissance, Et que quand je n’aurais qu’un seul morceau de pain…

– Mascarille –

Baste ! songez ‡ vous dans ce nouveau dessein. Au moins, si l’on vous voit commettre une sottise, Vous n’imputerez plus l’erreur ‡ la surprise ; Votre rÙle en ce jeu par coeur doit Ítre su.

– LÈlie –

Mais comment Trufaldin chez lui t’a-t-il reÁu ?

– Mascarille –

D’un zËle simulÈ j’ai bridÈ le bon sire (23) ; Avec empressement je suis venu lui dire, S’il ne songeait ‡ lui, que l’on le surprendroit ; Que l’on couchait en joue, et de plus d’un endroit, Celle dont il a vu qu’une lettre en avance Avait si faussement divulguÈ la naissance ; Qu’on avait bien voulu m’y mÍler quelque peu ; Mais que j’avais tirÈ mon Èpingle du jeu, Et que, touchÈ d’ardeur pour ce qui le regarde, Je venais l’avertir de se donner de garde. De l‡, moralisant, j’ai fait de grands discours Sur les fourbes qu’on voit ici-bas tous les jours ; Que pour moi, las du monde et de sa vie inf‚me, Je voulais travailler au salut de mon ‚me, A m’Èloigner du trouble, et pouvoir longuement PrËs de quelque honnÍte homme Ítre paisiblement ; Que, s’il le trouvait bon, je n’aurais d’autre envie Que de passer chez lui le reste de ma vie ; Et que mÍme ‡ tel point il m’avait su ravir, Que, sans lui demander gages pour le servir, Je mettrais en ses mains, que je tenais certaines, Quelque bien de mon pËre, et le fruit de mes peines, Dont, avenant que Dieu de ce monde m’Ùtat, J’entendais tout de bon que lui seul hÈrit‚t. C’Ètait le vrai moyen d’acquÈrir sa tendresse. Et comme, pour rÈsoudre avec votre maÓtresse Des biais qu’on doit prendre ‡ terminer vos voeux, Je voulais en secret vous aboucher tous deux, Lui-mÍme a su m’ouvrir une voie assez belle, De pouvoir hautement vous loger avec elle, Venant m’entretenir d’un fils privÈ du jour, Dont cette nuit en songe il a vu le retour. A ce propos, voici l’histoire qu’il m’a dite, Et sur quoi j’ai tantÙt notre fourbe construite.

– LÈlie –

C’est assez, je sais tout : tu me l’as dit deux fois.

– Mascarille –

Oui, oui ; mais quand j’aurais passÈ jusques ‡ trois, Peut-Ítre encor qu’avec toute sa suffisance, Votre esprit manquera dans quelque circonstance.

– LÈlie –

Mais ‡ tant diffÈrer je me fais de l’effort.

– Mascarille –

Ah ! de peur de tomber, ne courons pas si fort ! Voyez-vous ? vous avez la caboche un peu dure ; Rendez-vous affermi dessus cette aventure. Autrefois Trufaldin de Naples est sorti, Et s’appelait alors Zanobio Ruberti ;
Un parti qui causa quelque Èmeute civile, Dont il fut seulement soupÁonnÈ dans sa ville (De fait il n’est pas homme ‡ troubler un Etat), L’obligea d’en sortir une nuit sans Èclat. Une fille fort jeune, et sa femme, laissÈes, A quelque temps de l‡ se trouvant trÈpassÈes, Il en eut la nouvelle ; et dans ce grand ennui, Voulant dans quelque ville emmener avec lui, Outre ses biens, l’espoir qui restait de sa race, Un sien fils, Ècolier, qui se nommait Horace, Il Ècrit ‡ Bologne, o˘, pour mieux Ítre instruit, Un certain maÓtre Albert, jeune, l’avait conduit ; Mais, pour se joindre tous, le rendez-vous qu’il donne Durant deux ans entiers ne lui fit voir personne : Si bien que, les jugeant morts aprËs ce temps-l‡, Il vint en cette ville, et prit le nom qu’il a, Sans que de cet Albert, ni de ce fils Horace, Douze ans aient dÈcouvert jamais la moindre trace. Voil‡ l’histoire en gros, redite seulement Afin de vous servir ici de fondement.
Maintenant vous serez un marchand d’ArmÈnie, Qui les aurez vus sains l’un et l’autre en Turquie. Si j’ai, plutÙt qu’aucun, un tel moyen trouvÈ, Pour les ressusciter sur ce qu’il a rÍvÈ, C’est qu’en fait d’aventure il est trËs ordinaire De voir gens pris sur mer par quelque Turc corsaire, Puis Ítre ‡ leur famille ‡ point nommÈ rendus, AprËs quinze ou vingt ans qu’on les a crus perdus. Pour moi, j’ai vu dÈj‡ cent contes de la sorte. Sans nous alambiquer, servons-nous-en ; qu’importe ? Vous leur aurez ouÔ leur disgr‚ce conter, Et leur aurez fourni de quoi se racheter ; Mais que, parti plus tÙt pour chose nÈcessaire, Horace vous chargea de voir ici son pËre, Dont il a su le sort, et chez qui vous devez Attendre quelques jours qu’ils y soient arrivÈs. Je vous ai fait tantÙt des leÁons Ètendues.

– LÈlie –

Ces rÈpÈtitions ne sont que superflues ; DËs l’abord mon esprit a compris tout le fait.

– Mascarille –

Je m’en vais l‡ dedans donner le premier trait.

– LÈlie –

Ecoute, Mascarille, un seul point me chagrine. S’il allait de son fils me demander la mine ?

– Mascarille –

Belle difficultÈ ! Devez-vous pas savoir Qu’il Ètait fort petit alors qu’il l’a pu voir ? Et puis, outre cela, le temps et l’esclavage Pourraient-ils pas avoir changÈ tout son visage ?

– LÈlie –

Il est vrai. Mais dis-moi, s’il connaÓt qu’il m’a vu, Que faire ?

– Mascarille –

De mÈmoire Ítes-vous dÈpourvu ? Nous avons dit tantÙt qu’outre que votre image N’avait dans son esprit pu faire qu’un passage, Pour ne vous avoir vu que durant un moment, Et le poil et l’habit dÈguisaient grandement.

– LÈlie –

Fort bien. Mais ‡ propos, cet endroit de Turquie…

– Mascarille –

Tout, vous dis-je, est Ègal, Turquie ou Barbarie.

– LÈlie –

Mais le nom de la ville o˘ j’aurai pu les voir ?

– Mascarille –

Tunis. Il me tiendra, je crois, jusques au soir. La rÈpÈtition, dit-il, est inutile,
Et j’ai dÈj‡ nommÈ douze fois cette ville.

– LÈlie –

Va, va-t’en commencer, il ne me faut plus rien.

– Mascarille –

Au moins soyez prudent, et vous conduisez bien ; Ne donnez point ici de l’imaginative.

– LÈlie –

Laisse-moi gouverner. Que ton ‚me est craintive !

– Mascarille –

Horace dans Bologne Ècolier ; Trufaldin, Zanobio Ruberti, dans Naples citadin ;
Le prÈcepteur Albert…

– LÈlie –

Ah ! C’est me faire honte Que de me tant prÍcher ! Suis-je un sot ‡ ton compte ?

– Mascarille –

Non pas du tout ; mais bien quelque chose approchant.

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ScËne II. – LÈlie.

– LÈlie –

Quand il m’est inutile, il fait le chien couchant ; Mais parce qu’il sent bien le secours qu’il me donne, Sa familiaritÈ jusque-l‡ s’abandonne. Je vais Ítre de prËs ÈclairÈ des beaux yeux Dont la force m’impose un joug si prÈcieux ; Je n’en vais sans obstacle, avec des traits de flamme, Peindre ‡ cette beautÈ les tourments de mon ‚me ; Je saurai quel arrÍt je dois… mais les voici.

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ScËne III. – Trufaldin, LÈlie, Mascarille.

– Trufaldin –

Sois bÈni, juste ciel, de mon sort adouci !

– Mascarille –

C’est ‡ vous de rÍver et de faire des songes, Puisqu’en vous il est faux que songes sont mensonges.

– Trufaldin –

(‡ LÈlie.)

Quelle gr‚ce, quels biens vous rendrai-je, Seigneur, Vous que je dois nommer l’ange de mon bonheur ?

– LÈlie –

Ce sont soins superflus, et je vous en dispense.

– Trufaldin –

(‡ Mascarille.)

J’ai, je ne sais pas o˘, vu quelque ressemblance De cet ArmÈnien.

– Mascarille –

C’est ce que je disois ;
Mais on voit des rapports admirables parfois.

– Trufaldin –

Vous avez vu ce fils o˘ mon espoir se fonde ?

– LÈlie –

Oui, seigneur Trufaldin, le plus gaillard du monde.

– Trufaldin –

Il vous a dit sa vie, et parlÈ fort de moi ?

– LÈlie –

Plus de dix mille fois.

– Mascarille –

Quelque peu moins, je croi.

– LÈlie –

Il vous a dÈpeint tel que je vous vois paraÓtre, Le visage, le port…

– Trufaldin –

Cela pourrait-il Ítre,
Si lorsqu’il m’a pu voir, il n’avait que sept ans, Et si son prÈcepteur mÍme, depuis ce temps, Aurait peine ‡ pouvoir connaÓtre mon visage ?

– Mascarille –

Le sang bien autrement conserve cette image ; Par des traits si profonds ce portrait est tracÈ, Que mon pËre…

– Trufaldin –

Suffit. O˘ l’avez-vous laissÈ ?

– LÈlie –

En Turquie, ‡ Turin.

– Trufaldin –

Turin ? Mais cette ville
Est, je pense, en PiÈmont.

– Mascarille –

(‡ part.)

O cerveau malhabile !
(‡ Trufaldin.)

Vous ne l’entendez pas, il veut dire Tunis, Et c’est en effet l‡ qu’il laissa votre fils ; Mais les ArmÈniens ont tous, par habitude, Certain vice de langue ‡ nous autres fort rude : C’est que dans tous les mots ils changent “nis” en “rin”. Et pour dire Tunis, ils prononcent Turin.

– Trufaldin –

Il fallait, pour l’entendre, avoir cette lumiËre. Quel moyen vous dit-il de rencontrer son pËre ?

– Mascarille –

(‡ part.)

Voyez s’il rÈpondra.

(A Trufaldin, aprËs s’Ítre escrimÈ.)

Je repassais un peu
Quelque leÁon d’escrime ; autrefois en ce jeu Il n’Ètait point d’adresse ‡ mon adresse Ègale, Et j’ai battu le fer en mainte et mainte salle.

– Trufaldin –

(‡ Mascarille.)

Ce n’est pas maintenant ce que je veux savoir.

(‡ LÈlie.)

Quel autre nom, dit-il, que je devais avoir ?

– Mascarille –

Ah ! Seigneur Zanobio Ruberti, quelle joie Est celle maintenant que le ciel vous envoie !

– LÈlie –

C’est l‡ votre vrai nom, et l’autre est empruntÈ.

– Trufaldin –

Mais o˘ vous a-t-il dit qu’il reÁut la clartÈ ?

– Mascarille –

Naples est un sÈjour qui paraÓt agrÈable ; Mais pour vous ce doit Ítre un lieu fort haÔssable.

– Trufaldin –

Ne peux-tu, sans parler, souffrir notre discours ?

– LÈlie –

Dans Naples son destin a commencÈ son cours.

– Trufaldin –

O˘ l’envoyai-je jeune, et sous quelle conduite ?

– Mascarille –

Ce pauvre maÓtre Albert a beaucoup de mÈrite D’avoir depuis Bologne accompagnÈ ce fils, Qu’‡ sa discrÈtion vos soins avaient commis.

– Trufaldin –

Ah !

– Mascarille –

(‡ part.)

Nous sommes perdus si cet entretien dure.

– Trufaldin –

Je voudrais bien savoir de vous leur aventure, Sur quel vaisseau le sort qui m’a su travailler…

– Mascarille –

Je ne sais ce que c’est, je ne fais que b‚iller. Mais, seigneur Trufaldin, songez-vous que peut-Ítre Ce monsieur l’Ètranger a besoin de repaÓtre, Et qu’il est tard aussi ?

– LÈlie –

Pour moi, point de repas.

– Mascarille –

Ah ! vous avez plus faim que vous ne pensez pas.

– Trufaldin –

Entrez donc.

– LÈlie –

AprËs vous.

– Mascarille –

(‡ Trufaldin.)

Monsieur, en ArmÈnie
Les maÓtres du logis sont sans cÈrÈmonie.

(A LÈlie, aprËs que Trufaldin est entrÈ dans sa maison.)

Pauvre esprit ! Pas deux mots !

– LÈlie –

D’abord il m’a surpris ; Mais n’apprÈhende plus, je reprends mes esprits, Et m’en vais dÈbiter avecque hardiesse…

– Mascarille –

Voici notre rival, qui ne sait pas la piËce.

(Ils entrent dans la maison de Trufaldin.)

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ScËne IV. – Anselme, LÈandre.

– Anselme –

ArrÍtez-vous, LÈandre, et souffrez un discours Qui cherche le repos et l’honneur de vos jours. Je ne vous parle point en pËre de ma fille, En homme intÈressÈ pour ma propre famille, Mais comme votre pËre, Èmu pour votre bien, Sans vouloir vous flatter et vous dÈguiser rien ; Bref, comme je voudrais, d’une ‚me franche et pure, Que l’on fÓt ‡ mon sang en pareille aventure. Savez-vous de quel oeil chacun voit cet amour, Qui dedans une nuit vient d’Èclater au jour ? A combien de discours et de traits de risÈe Votre entreprise d’hier est partout exposÈe ? Quel jugement on fait du choix capricieux Qui pour femme, dit-on, vous dÈsigne en ces lieux Un rebut de l’Egypte, une fille coureuse, De qui le noble emploi n’est qu’un mÈtier de gueuse ? J’en ai rougi pour vous encor plus que pour moi, Qui me trouve compris dans l’Èclat que je voi : Moi, dis-je, dont la fille, ‡ vos ardeurs promise, Ne peut, sans quelque affront, souffrir qu’on la mÈprise. Ah ! LÈandre, sortez de cet abaissement ! Ouvrez un peu les yeux sur votre aveuglement. Si notre esprit n’est pas sage ‡ toutes les heures, Les plus courtes erreurs sont toujours les meilleures. Quand on ne prend en dot que la seule beautÈ, Le remords est bien prËs de la solennitÈ ; Et la plus belle femme a trËs peu de dÈfense Contre cette tiÈdeur qui suit la jouissance. Je vous le dis encor, ces bouillants mouvements, Ces ardeurs de jeunesse et ces emportements, Nous font trouver d’abord quelques nuits agrÈables ; Mais ces fÈlicitÈs ne sont guËres durables, Et, notre passion alentissant son cours, AprËs ces bonnes nuits donnent de mauvais jours ; De l‡ viennent les soins, les soucis, les misËres, Les fils dÈshÈritÈs par le courroux des pËres.

– LÈandre –

Dans tout votre discours je n’ai rien ÈcoutÈ Que mon esprit dÈj‡ ne m’ait reprÈsentÈ. Je sais combien je dois ‡ cet honneur insigne Que vous me voulez faire, et dont je suis indigne ; Et vois, malgrÈ l’effort dont je suis combattu, Ce que vaut votre fille, et quelle est sa vertu : Aussi veux-je t‚cher…

– Anselme –

On ouvre cette porte :
Retirons-nous plus loin, de crainte qu’il n’en sorte Quelque secret poison dont vous seriez surpris.

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ScËne V. – LÈlie, Mascarille.

– Mascarille –

BientÙt de notre fourbe on verra le dÈbris, Si vous continuez des sottises si grandes.

– LÈlie –

Dois-je Èternellement ouÔr tes rÈprimandes ? De quoi te peux-tu plaindre ? Ai-je pas rÈussi En tout ce que j’ai dit depuis ?

– Mascarille –

Couci-couci.
TÈmoin les Turcs par vous appelÈs hÈrÈtiques, Et que vous assurez, par serments authentiques, Adorer pour leurs dieux la lune et le soleil. Passe. Ce qui me donne un dÈpit nonpareil, C’est qu’ici votre amour Ètrangement s’oublie ; PrËs de CÈlie, il est ainsi que la bouillie, Qui par un trop grand feu s’enfle, croÓt jusqu’aux bords, Et de tous les cÙtÈs se rÈpand au dehors.

– LÈlie –

Pourrait-on se forcer ‡ plus de retenue ? Je ne l’ai presque point encore entretenue.

– Mascarille –

Oui, mais ce n’est pas tout que de ne parler pas ; Par vos gestes, durant un moment de repas, Vous avez aux soupÁons donnÈ plus de matiËre Que d’autres ne feraient dans une annÈe entiËre.

– LÈlie –

Et comment donc ?

– Mascarille –

Comment ? Chacun a pu le voir. A table, o˘ Trufaldin l’oblige de se seoir, Vous n’avez toujours fait qu’avoir les yeux sur elle. Rouge, tout interdit, jouant de la prunelle, Sans prendre jamais garde ‡ ce qu’on vous servait, Vous n’aviez point de soif qu’alors qu’elle buvait ; Et dans ses propres mains vous saisissant du verre, Sans le vouloir rincer, sans rien jeter ‡ terre, Vous buviez sur son reste, et montriez d’affecter Le cÙtÈ qu’‡ sa bouche elle avait su porter. Sur les morceaux touchÈs de sa main dÈlicate, Ou mordus de ses dents, vous Ètendiez la patte Plus brusquement qu’un chat dessus une souris, Et les avaliez tous ainsi que des pois gris (24). Puis, outre tout cela, vous faisiez sous la table Un bruit, un triquetrac de pieds insupportable, Dont Trufaldin, heurtÈ de deux coups trop pressants, A puni par deux fois deux chiens trËs innocents, Qui, s’ils eussent osÈ, vous eussent fait querelle. Et puis aprËs cela votre conduite est belle ? Pour moi, j’en ai souffert la gÍne sur mon corps. MalgrÈ le froid, je sue encor de mes efforts. AttachÈ dessus vous comme un joueur de boule AprËs le mouvement de la sienne qui roule, Je pensais retenir toutes vos actions,
En faisant de mon corps mille contorsions.

– LÈlie –

Mon Dieu ! qu’il t’est aisÈ de condamner des choses Dont tu ne ressens point les agrÈables causes ! Je veux bien nÈanmoins, pour te plaire une fois, Faire force ‡ l’amour qui m’impose des lois. DÈsormais…

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ScËne VI. – Trufaldin, LÈlie, Mascarille.

– Mascarille –

Nous parlions des fortunes d’Horace.

– Trufaldin –

(‡ LÈlie.)

C’est bien fait. Cependant me ferez-vous la gr‚ce Que je puisse lui dire un seul mot en secret ?

– LÈlie –

Il faudrait autrement Ítre fort indiscret.

(LÈlie entre dans la maison de Trufaldin.)

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ScËne VII. – Trufaldin, Mascarille.

– Trufaldin –

Ecoute : sais-tu bien ce que je viens de faire ?

– Mascarille –

Non ; mais si vous voulez, je ne tarderai guËre, Sans doute, ‡ le savoir.

– Trufaldin –

D’un chÍne grand et fort, Dont prËs de deux cents ans ont fait dÈj‡ le sort, Je viens de dÈtacher une branche admirable, Choisie expressÈment de grosseur raisonnable, Dont j’ai fait sur-le-champ, avec beaucoup d’ardeur

(Il montre son bras.)

Un b‚ton ‡ peu prËs… oui, de cette grandeur, Moins gros par l’un des bouts, mais, plus que trente gaules Propre, comme je pense, ‡ rosser les Èpaules ; Car il est bien en main, vert, noueux et massif.

– Mascarille –

Mais pour qui, je vous prie, un tel prÈparatif ?

– Trufaldin –

Pour toi premiËrement ; puis pour ce bon apÙtre Qui veut m’en donner d’une et m’en jouer d’une autre ; Pour cet ArmÈnien, ce marchand dÈguisÈ, Introduit sous l’app‚t d’un conte supposÈ.

– Mascarille –

Quoi ! vous ne croyez pas… ?

– Trufaldin –

Ne cherche point d’excuse : Lui-mÍme heureusement a dÈcouvert sa ruse ; En disant ‡ CÈlie, en lui serrant la main, Que pour elle il venait sous ce prÈtexte vain, Il n’a pas aperÁu Jeannette, ma fillole (25), Laquelle a tout ouÔ, parole pour parole ; Et je ne doute point, quoiqu’il n’en ait rien dit, Que tu ne sois de tout le complice maudit.

– Mascarille –

Ah ! vous me faites tort. S’il faut qu’on vous affronte, Croyez qu’il m’a trompÈ le premier ‡ ce conte.

– Trufaldin –

Veux-tu me faire voir que tu dis vÈritÈ ? Qu’‡ le chasser mon bras soit du tien assistÈ ; Donnons-en ‡ ce fourbe et du long et du large, Et de tout crime aprËs mon esprit te dÈcharge.

– Mascarille –

Oui-da, trËs volontiers, je l’Èpousterai bien, Et par l‡ vous verrez que je n’y trempe en rien.

(A part.)

Ah ! vous serez rossÈ, monsieur de l’ArmÈnie, Qui toujours g‚tez tout !

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ScËne VIII. – LÈlie, Trufaldin, Mascarille.

– Trufaldin –

(A LÈlie, aprËs avoir heurtÈ ‡ sa porte.)

Un mot, je vous supplie. Donc, Monsieur l’imposteur, vous osez aujourd’hui Duper un honnÍte homme, et vous jouer de lui ?

– Mascarille –

Feindre avoir vu son fils en une autre contrÈe, Pour vous donner chez lui plus aisÈment entrÈe !

– Trufaldin –

(bat LÈlie.)

Vidons, vidons sur l’heure.

– LÈlie –

(‡ Mascarille, qui le bat aussi.)

Ah ! coquin !

– Mascarille –

C’est ainsi
que les fourbes…

– LÈlie –

Bourreau !

– Mascarille –

Sont ajustÈs ici.
Gardez-moi bien cela.

– LÈlie –

Quoi donc ! je serais homme… ?

– Mascarille –

(le battant toujours en le chassant.)

Tirez, tirez (26), vous dis-je, ou bien je vous assomme.

– Trufaldin –

Voil‡ qui me plaÓt fort ; rentre, je suis content.

(Mascarille suit Trufaldin, qui rentre dans sa maison.)

– LÈlie –